Historique
de "Fidélité et Ouverture"
Evénements
religieux qui ont suscité la naissance du Groupe "Fidélité
et Ouverture", par Gérard Soulages.
Le
Groupe Fidélité et Ouverture est né de
la crise de l'Eglise et du choc qu'elle a causé dans
un très grand nombre de consciences. En 1971, le Cardinal
Daniélou, inquiet et même angoissé, provoqua
le Colloque des intellectuels catholiques de Strasbourg, dont
je fus le secrétaire. Prirent la parole à ce
Colloque Gabriel Marcel, Henri Hours, Jacques Perret, Jean
de Fabrègues, Claude Bruaire, René Pillorget,
Rémi Brague - et nous envoyèrent des messages
Mgr Bruno de Solages, le Père de Lubac, le Père
Yves Congar, le Professeur Oscar Cullmann, Monsieur Feuillet
D.S.S. Notre ami Jean Guitton écrivit un avant-propos
aux Actes du Colloque. Le Cardinal Daniélou improvisa
un discours de clôture qui remua l'auditoire par sa
véhémence passionnée. Tous les orateurs
affirmaient, contre certains glissements déjà
très visibles, leur fidélité à
la Foi catholique. (
) Le Groupe était né.
Le Cardinal Renard, d'accord avec notre effort, m'écrivit
: " Appelez votre groupe Fidélité et Ouverture
". Ce titre exprimait exactement nos intentions : nous
ne pouvons nous ouvrir à l'homme moderne que si nous
nous enracinons profondément dans le mystère
de la Révélation divine. La suite de notre combat
montre bien que notre intuition de base était fondée.
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En
1972, je me rendis à Rome porter notre livre "
Fidélité et Ouverture " qui publiait les
Actes du Colloque de Strasbourg. C'était la première
fois que j'allais à la Ville éternelle. (
)
Or un événement bien inattendu voulait que je
sois déjà connu des Autorités romaines.
En 1968, j'avais tenu tête à l'abbé Oraison
qui refusait l'encyclique "Humanae Vitae". (
)
J'écrivis une longue lettre à celui-ci dans
laquelle je ramenais l'encyclique H.V. à l'essentiel
: le sacrement de mariage nous demande de passer d'Eros à
Agapé, du premier éblouissement des amours humaines
à leur accomplissement par la Charité. Mais
cet accomplissement exige l'obéissance à la
Loi divine et le refus absolu de toute volonté de puissance
Pourtant j'insistais sur les cas de conscience très
particuliers parfois dramatiques. La casuistique est une des
bases de la morale chrétienne. (
) Mon évêque,
le Cardinal Lefebvre, qui avait appris par une indiscrétion
mon débat avec l'abbé Oraison, me demanda le
texte de cette lettre (
). Fait imprévisible :
le Cardinal remit à mon insu ce texte au Pape Paul
VI, qui le lut et en fut ému. Le Saint-Père,
alors injustement contredit par des théologiens et
même par des évêques, eut ce mot qui me
remplit de confusion : " C'est Mr Soulages qui m'a le
mieux compris ". Je tiens cela de Jean Guitton. De son
côté, le Cardinal Lefebvre me dit sa joie de
voir le Saint-Père favorable à ma démarche,
- et quelque temps plus tard cet évêque me confia
son testament spirituel pour que je le publie. (
)
A la même date, je fus mis en relation avec un prélat
français d'une immense gentillesse, Mgr Jacques Martin,
très proche de Paul VI. Dernière conséquence
: alors que j'étais à Rome pour remettre à
diverses personnalités les Actes du Colloque de Strasbourg,
je reçus un "billet" du Vatican : le Cardinal
Villot voulait me voir
Je fus ainsi reçu à
la Secrétairerie d'Etat par celui que l'on considérait
comme le "Numéro 2" de l'Eglise romaine.
Le Cardinal me garda 50 minutes, me fit des confidences parce
qu'il me savait lié avec son meilleur ami, M. l'abbé
Etienne Gaulmier. (
)
Je
raconte toutes ces choses pour essayer d'expliquer comment
un chrétien du dernier rang et sans aucune importance,
a été mis en relation avec des personnalités
de l'Eglise romaine ayant autorité. Il fallait que
la crise de l'Eglise fût d'une extrême gravité
pour que cela soit possible. Je puis témoigner : il
y a à Rome des hommes exceptionnels, non seulement
par leur intelligence et leur compétence mais encore
par leur vie spirituelle. Le Cardinal Journet me l'a dit plusieurs
fois : "A Rome, il y a des saints". Ceux qui entretiennent
dans le Peuple Chrétien un complexe anti-romain sont
gravement coupables.
Gérard Soulages.
(extrait du bulletin N° 137 - décembre 1995)
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Le
Groupe " F et O " s'enracine dans la grande Paroisse
Universitaire du P. Paris et de Roger Pons, dans le groupe
de Marcel Légaut et au-delà dans l'aventure
cuménique du Père Portal. C'est à
ce passé que nous devons la présence affectueuse
de Perret, de Flacelière, de Palanque et de Jean Guitton.
Le Groupe rassemble plusieurs centaines d'amis, prêtres,
laïcs, et il y a entre nous une amitié saine,
sans ambiguïté, en partie fondée sur la
foi. (
) Je bénis Dieu de nous avoir permis de
rencontrer M. l'abbé Dorne et Mère Magdeleine,
les Missionnaires de Notre-Dame des Neiges, les Frères
et Surs Domini.
Le groupe continue à cause de l'Eglise. Certes nous
sortons du tunnel. La crise catéchétique, qui
a été grave parce que doctrinale, est en partie
résorbée d'abord grâce au " Catéchisme
pour adultes " de l'Eglise de France, ensuite grâce
au " Catéchisme (universel) de l'Eglise catholique
". Pour réaliser celui-ci, le Pape s'est adressé
à l'ensemble des évêques du monde entier.
Résultat : ce catéchisme publié sous
l'autorité de Rome, devient un témoin exceptionnel
de la foi commune et il exprime, en fait, la grande Tradition
catholique dont Rome est responsable. Ainsi, l'unité
dogmatique du catholicisme est à nouveau affirmée
et la crise doctrinale de l'Eglise, si grave, est résolue,
au moins au niveau pastoral.
Les
conséquences de cette crise
Notre Eglise
de France sort blessée d'une dérive, d'une aventure
qui nous dépassait tous. Désormais, il n'y a
que très peu de prêtres, et les hommes de valeur
profondément chrétiens sont rares. Nous allons
manquer d'hommes compétents. Les tâches qui attendent
demain les prêtres et les laïcs seront surhumaines,
d'autant plus que c'est une erreur de penser que le dévouement
de certains laïcs pourra suppléer le manque de
prêtres. Le laïc a pour première responsabilité
devant Dieu, son devoir d'état, sa famille, sa profession.
Ajoutons à ce manque de prêtres ces millions
de jeunes désormais indifférents. La Société
qui nous entoure connaît une décadence morale
qui la conduit parfois à l'abominable. Les structures
familiales sont actuellement disloquées. Nous sommes
entrés dans un univers scientifiquement païen.
L'Eglise de France, sans être devenue une chose dérisoire,
est, du point de vue sociologique, une réalité
mineure.
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Les
catholiques sont divisés, prêtres ou laïcs
Opposition des partisans de Mgr Lefebvre et des catholiques
fidèles au Pape. Et à l'intérieur de
l'Eglise de France, opposition des traditionalistes et des
progressistes
" Tout royaume divisé contre
lui-même périra
Ce que je crains, c'est
la perte de la foi. On remplacera la Réalité
de la foi par des valeurs que l'on croit évangéliques.
On suit les modes : " Si hominibus placere vellem, Christi
servus non essem. - Si je voulais plaire aux hommes, je ne
serais pas serviteur du Christ " (Gal 1,10).
Conclusion :
Le Groupe Fidélité et Ouverture se présente
sous deux aspects :
C'est d'abord un groupe fondé sur l'amitié,
et une amitié enracinée dans la foi. Certes
le groupe ne se prend pas pour une fin en soi : " Serviteurs
inutiles, encore utilisés ", c'est une des devises
du groupe. Nous savons tous l'importance de nos paroisses
et de l'évêque pour notre vie chrétienne.
Mais en fait, la crise de l'Eglise avec les épreuves
qu'elle a engendrées nous a rassemblés, et l'amitié
chrétienne qui nous lie est une chose saine, infiniment
précieuse. C'est pour cette première raison
que le groupe F et O doit se maintenir.
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Deuxième
aspect du groupe : la protestation contre des déviations
spirituelles et, hélas, doctrinales qui ont fait un
mal immense à nos enfants, à nos prêtres,
au Peuple chrétien. Je le redis : nous sortons du tunnel.
Est-il demandé encore au groupe de protester comme
il a dû le faire parfois ? Je ne le pense pas. Désormais
nous avons deux documents salvateurs : le " Catéchisme
pour Adultes " de nos évêques et le "
Catéchisme de l'Eglise catholique " de Rome
Ces documents vont arrêter bien des désordres,
et des esprits troublés par de fausses recherches retrouveront
des certitudes. Ceci dit, je suis persuadé que des
études sérieuses doivent pourtant être
publiées dans le Bulletin pour nous aider à
juger certains débats très actuels, par exemple
sur l'éthique. Une réflexion intellectuelle
rigoureuse devra être toujours mise à la base
du groupe. Et si une protestation se révèle
encore nécessaire, elle ne devra utiliser que des armes
spirituelles
Ni intégrisme qui se bloque sur
la lettre d'une théologie exacte mais étroite
et particulière, ni "modernisme théologique"
qui édulcore les données de la foi et les remplace
par des sentiments religieux ou des valeurs que l'on veut
évangéliques
Fidélité et
Ouverture : oui, fidélité profonde au Dieu de
la Révélation et à son Christ dans la
tradition lumineuse de sainteté que transmet l'Eglise,
- mais, en même temps, ouverture à l'homme, celui
du troisième millénaire que le christianisme
devra apprivoiser et baptiser.
Gérard Soulages.
(extrait du bulletin n° 124 - janvier 1993)
Témoignage de Gérard Soulages qui résume
ce que fut "Fidélité et Ouverture"
:
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Il
y a 28 ans, je donnais ma démission de professeur de
philosophie pour m'engager résolument dans une aventure
religieuse sous la conduite du Cardinal Déniélou.
Nous devions organiser le Colloque européen de Strasbourg
qui refusait l'extravagante dérive spirituelle de l'après-Concile
Gabriel Marcel, Jacques Perret, Jean de Fabrigues, Jean-Rémy
Palanque, Olivier Lacombe, Pierre Demargne, Mgr Bruno de Solages,
Robert Flacelière, l'abbé Paul Toinet, Henri
Hours, Mademoiselle Alimen, Etienne Borne, Adrien Delclaux,
Mgr Nédoncelle, Henri-Irénée Marrou,
Jean Guitton, Oscar Cullmann, Jean Mesnard, et bien d'autres
nous ont rejoints pour refuser cette auto-destruction de l'Eglise.
La mort tragique du Cardinal Daniélou aurait dû
mettre un terme à notre combat. Nous avons continué
à nous battre car des amis très exceptionnels
nous encourageaient : le Père de Lubac, le Cardinal
Journet, Urs von Baltasar.
Avec le P. de Lubac, c'était le renouvellement de la
théologie, un enracinement de style nouveau dans la
patrologie, une ouverture audacieuse aux diverses spiritualités
qui travaillent depuis des siècles notre Humanité
- tout cela fondé sur la méthode d'immanence
de Maurice Blondel, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes
Le Cardinal Journet se situait à l'opposé :
affirmation de l'abrupt de la foi et de la primauté
de la contemplation, avec pour base la métaphysique
des 'Degrés du savoir" de Jacques Maritain ; deux
voies à première vue contraires
Il se
peut que Vatican II ait été ouvert pour réconcilier
ces deux voies. Les épreuves de ma vie avaient voulu
que je sois lié depuis longtemps au Père de
Lubac et à Jacques Maritain. J'ai eu la joie de voir
se réconcilier en profondeur le Père de Lubac
et le vénéré Cardinal Journet. Sint unum
! Qu'ils soient un
afin que le monde croie que tu m'as
envoyé" (Jn 17,21). Le Cardinal Renard confirma
cette réconciliation, et il me demanda d'appeler notre
groupe : "Fidélité et Ouverture".
Oui, ouverture à la plénitude de l'homme, mais
cette ouverture n'est saine, qu'enracinée dans une
totale fidélité au Dieu de la Révélation
qui juge l'homme, l'éprouve et le rectifie, pour le
sauver. Adrien Delclaux le répétait constamment
: entre "Fidélité et Ouverture", il
faut souligner l'importance de la conjonction : et
C'est
là que gît la difficulté du groupe et
parfois son épreuve, - mais cette épreuve est
salut. Ne choisir que l'ouverture serait illusion et mensonge.
Nous crisper au nom de l'intégrité de la foi
sur une fausse fidélité, celle de la lettre,
serait démission et finalement trahison. J'espère
que le groupe n'a pas failli à sa mission.
(extrait
du Bulletin N° 157 - Octobre 2000)
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